La conquête de la troisième dimension. Discours présidentiel prononcé à la deuxième session de la commission d'aérologie (paris, juin-juillet 1957). Première partie

Van Mieghem, J.

Année de publication
1958
Texte intégral
Bulletin de l'OMM Jan vier 1958 LA CON QUÊTE DE LA TROISIÈME DIMENSI ON DISCOURS PRÉSIDENTIEL PRONONCÉ A LA DEUXIÈME SESSION DE LA COMMISSION D'AÉROLOG IE (PARIS, JUIN -JUILLET 1957) PREMI ÈRE PARTIE TA L science de nos jours a modifié si profondément le monde, la technique a réalisé au cours de ces dernières années des performances si extraordinaires, les découvertes se suivent à un rythme si accéléré, qu'il est bon de s'écarter parfois de la route tumultueuse du progrès pour jeter un regard en arrière afin de mesurer le chemin parcouru, de faire le point des acquisitions récentes et de mettre de l'ordre dans les idées. On s'aperçoit ainsi, entre autres, que les problèmes fondamentaux qui se posent sont presque toujours les . mêmes et que ceux que l'on croyait nouveaux sont le plus souvent des problèmes anciens auxquels les possibilités sans cesse accrues de la technique moderne offrent des solutions inattendues. En cette époque de fusées, d 'engins téléguidés et de satellites artificiels, il m'a semblé opportun, au seuil de la deuxième session de la Commission d'aérologie, de donner une vue d'ensemble du développement des techniques d'exploration de l'atmosphère libre depuis leur origine qui se confond, en fait, avec celle de l' aérostation. Premi ères découvertes et expériences sur les conseils de Pascal (r623-r66z), Périer fit, en r648, l'ascension du Puy de Dôme pour réaliser sa <>, il effectua vraisemblablement la toute première observation en altitude à l'aide d'instruments. On pourrait croire que le succès éclatant de la sensationnelle expérience du Puy de Dôme marquerait le début d'une ère consacrée aux observations en altitude ; il n 'en fut rien, à cause des difficultés insurmontables que présentait à l' époque l'ascension des montagnes. Ce n' est qu' en 1787 que l'intrépide physicien genevois de Saussure (I740I799) réussit l' ascension du MontBlanc. Malgré les gros risques, de Saussure eut de nombreux imitateurs; des expéditions scientifiques furent organisées d ans les Alpes, les Andes, l'Himalaya, etc. Mais, en raison des difficultés de t elles ascensions et de leur très courte durée, leurs résultats furent assez décevants. Ce n'est qu'à partir du milieu du xrxe siècle que l'on procéda à l'installation de stations d'observation en montagne, citons : le Puy de Dôme, le Mont Ventoux, le Pic du Midi, le Santis, le Brocken, le Sonneblick, le Jungfraujoch, etc. Si les stations de montagne, comme les stations de plaine, offrent la possibilité d'observer continùment les phénomènes et permettent d' enregistrer les données d'observation , elles présentent par contre l'inconvénient de ne fournir des données en altitude que pour un seul niveau. De plus, les stations de montagne sont irrégulièrement réparties à la surface du globe et leurs données sont 31 On imagine difficilement, de nos jours, le bruit que fit l'invention du baromètre dans le monde scientifique du milieu du XVIIe siècle. Par sa célèbre expérience de r643, Torricelli (r6o8- r647) démontrait, en effet, la pesanteur de l' air, alors que depuis toujours l'on avait cru que l'atmosphère était un milieu immat ériel. Lorsque, Bulletin de l'OMM Janvier 1958 fortement influencées par l'orographie. Néanmoins, c'est grâce aux observations de montagne que Hann (18391921) découvrit, en 1876, l'inversion thermique des anticyclones et la subsidence de l'air susjacent. Premières ascensions en batlon Mais revenons au XVIIIe siècle. En 1783, il se produisit un fait nouveau d'une importance capitale pour la conquête de la troisième dimension : la première expérience des frères Montgolfier (Joseph (r74o-r8ro) et Etienne (1745-1799) ) à Annonay, suivie la même année, à Paris, du premier voyage aérien entre la Muette et Montrouge, effectué à l' aide d'un ballon fait de toile d'emballage doublée de papier et gonflé à l'air chaud. Aussitôt, les physiciens comprirent tout le parti que l'on pouvait tirer d 'un véhicule plus léger que l'air pour explorer l'atmosphère. Le r er décembre 1783, Charles (1746-1822), l'inventeur du ballon à hydrogène, s'éleva du jardin des Tuileries emportant dans sa nacelle un baromètre et l}n thermomètre à mercure. Cette première ascension en ballon libre monté marqua le début de l'exploration scientifique de l'atmosphère libre. L'aérologie était née. A la fin du XVIIIe siècle, les conditions favorables à un essor de l'aérostation scientifique se trouvaient fo rt heureusement réunies. L'on disposait à la fois des instruments de mesure essentiels, de gaz plus légers que l'air et d'enveloppes imperméables. Le baromètre avait été découvert par Torricelli depuis près de rso ans ; Celsius (r670-1756), Fahrenheit (r686-r736) et R éaumur (r683-1757) avaient inventé le thermomètre à peu près en même temps, au début du XVIII e siècle ; à la fin du siècle, de Saussure construisit le premier hygromètre à cheveu, exact ement en 1783. En 1781, Cavendish (r73r-r8ro) découvrit l'hydrogène, le 32 plus léger des gaz et un p eu plus tard, en 1784, Van Bochaute trouva le procédé de préparation du gaz de houille et Minkelers (1748- 1824) lança, près de Louvain, le premier ballon gonflé à l'aide de ce gaz. Quant a ux enveloppes, elles étaient en soie vernie ou en baudruche. Ascensions scientifiques en ballon monté L 'ère des ascensions scientifiques en ballon monté, s'étend de la fin du XVIIIe siècle aux premières années du XXe. En 1784, l'année qui suivit la célèbre ascension de Charles, Lavoisier (1743-1794) au nom de l'Académie des Sciences de Paris, élabora un programme scientifique d'observations en altitude qui provoqua une vive émulation parmi les aéronautes . Tous, après Charles, emportèrent dans leur nacelle au moins un baromètre et un thermomètre, mais la plupart d'entre eux étaient b eaucoup plus attirés par l 'asp ect spectaculaire et financier des ascensions en ballon que par leur intérêt scientifique. Il y eut cependant de très louables exceptions à cette règle générale. L'honneur de la première ascension , organisée en vue d'exécuter un programme d'observations à l'aide d 'instruments soigneusement construits et contrôlés en laboratoire, revient au médecin canadien John J effries, établi à Londres , et à l'aéronaute français Blanchard (1753-r8o9). Ils s'élevèrent de Londres, le 29 novembre 1784, et atterrirent à Dartford, à 15 km à l'ESE de Londres, après un voyage de cinq quarts d'heure. L'année suivante, ils traversèrent le Pas de Calais et c'est au cours de ce voyage mémorable que, pour la première fois, l'on effectua du sol des mesures d'angle qui permirent de calculer la hauteur de l'aéronef. Parmi les ascensions scientifiques de la première moitié du XIXe siècle, citons les deux ascensions de Gay-Lussac (r 778-r85o) et de Biot (1774-1862) en r 8o4, dont la seconde Bulletin de l'OMM Janvi er 1958 atteignit l'altitude de 7000 rn (?) et celle de Barral et de Bixio (r 8o8-r 865), en r 848, effectuée dans les nuages. Dès r 84r , Arago (r 786-r 853) insista pour qu' au cours des ascensions scientifiques en ballon, l'on effectuât en même temps des observations au sol en différ ents points, de manière à pouvoir comparer les observations en altit ude au x observations en surface . Il attira aussi l' attention sur le caractère illusoire de bien des résultat s obtenus, not amment sur le fait qu'un thermomètre attaché à la nacelle ne pouvait pas donner la t empérature de l' air. A diverses reprises, Arago intervint pour que l'on construisît des instruments et que l'on élaborât des méthodes d'observation susceptibles de fournir des données représentatives. Le problème de l' erreur de rayonnement dont sont entachées les données des sondes et celui de la représentativité des données de l'observation n'ont depuis cessé de préoccuper les mét éorologist es. Perfectt:onnement des instruments x rxe siècle, avant de pouvoir, grâce aux efforts de la Deutsche Verein zur Forderung der L u jtschitfahrt, se faire une idée exacte de la répartition verticale de la température de l' air atmosphérique. Les 28 ascensions d e l'Anglais T. Glaisher (r 8og-r go3), de r 86 z à r 866, occupent une place méritée d ans Vers la même époque, la British Association for the A dvancement of Science consacra ses efforts au x problèmes de l'aérost ation scientifique. J ohn Welsh, directeur de l' Observatoire de Kew, effectua, en r 852, quatre ascensions minutieusement préparées. Il fut le premier à utiliser un thermomètre ventilé artificiellement à l' aide d'un soufflet à main. Le psychromètre à aspirat ion de Welsh est l' ancêtre du psychromètre à aspirat ion d ' Assmann, que nous utilisons encore de nos jours. Malheureusement, les successeurs de Welsh, y compris le célèbre Glaisher, n'ont pas reconnu la nécessité absolue de vent iler les thermomètres afin que la températ ure du thermomètre soit bien la t empérat ure de l'air. Cette méconn aissance fut fatale aux progrès de l'aérologie, car il faudra attendre 45 ans, c'est-à-dire la fin du 33 Psychrom ètre à aspiration de Velsh (r852) l'hist oire de l'aérostation scient ifique. E n compagnie de Coxwell, il bat tit , en r 86z, le record d' altitude en atteignant la hauteur de rr .300 rn (?) sans toutefois découvrir la stratosphère. Il fut le p remier à se servir d 'un baromètre anéroïde, inventé par Vidie en 1844, d eux cents ans après le baromètre à mercure de Torricelli. Quant à l' emploi d 'instruments enregistreurs, il dat e de r 88 r : c'est , en effet , en oct obre de Bulletin de l'OMM Janvier 1958 cette année, que du Hauvel et DutéPoitevin emportèrent dans leur nacelle deux barographes des constructeurs français Tatin et Richard. Au cours des ascensions scientifiques du xrxesiècle, il ne fut pas seulement procédé à des mesures de la pression atmosphérique de la température et du degré hygrométrique de l'air, mais aussi à des mesures électriques- GayLussac fut le premier à faire usage d'un électrophore muni de fils de longueurs différentes -, à des mesures magnétiques, à l'aide de boussoles et à des mesures actinométriques, à l'aide de thermomètres à boule noire, ainsi qu'à des observations sur les courants aériens - dont les brusques rotations surprirent les premiers aéronautes -, sur les nuages - surtout les nuages cumuliformes dont les bourgeonnements s'élevaient plus rapidement que les ballons - , sur les phénomènes optiques et sur la propagation du son. Des échantillons d'air furent également prélevés en vue de déterminer leur composition chimique. Après les prouesses de Glaisher et Coxwell, dét enteurs du record d'altitude, l'intérêt pour l'aérostation scientifique fléchit. Aucun progrès notable n'était venu ranimer l'enthousiasme des explorateurs scientifiques. D e plus, les limitations du ballon libre monté étaient apparues fort clairement et l'aérostation scientifique aurait disparu bien avant la fin du xrxe siècle sans la création, à Berlin, en r 88 r, de la Deutsche Verein zur Fordenmg der Luftschi(jahrt. Les succès remportés par les ballons ayant servi au transport de personnes et du courrier lors du siège de Paris, en 1870-r 87r, impressionnèrent les Allemands au point qu'après la guerre, l'armée créa un régiment d'aérostiers, 34 équipé de ballons montés et de ballons captifs. A l'initiative d' Angerstein, les aéronautes allemands, civils et milit aires, se réunirent et fondèrent la Deutsche Verein zur Forderung der Luftschi(jahrt dans le but de promouvoir la navigation aérienne. Parmi les aéronautes civils figuraient en bonne place les météorologistes R. Assmann (r845-rgr8), A. Berson (r8sg-rg4z) et R. Süring (r866-rgso). Aussi n 'est-il pas étonnant que l'exploration scientifique de l' atmosphère libre ait été une des principales préoccupations de la Deutsche Verein . Sous l'impulsion d' Assmann, les mét éorologistes allemands firent une étude minutieuse de l' équipement scientifique des ascensions françaises et anglaises et ils arrivèrent à la conclusion qu'il était indispensable de faire de nouvelles recherches en vue d'obtenir non point des instruments de laboratoire, mais bien des instruments adaptés aux conditions très particulières d'une ascension, capables de se mettre rapidement en équilibre avec un milieu sans cesse changeant et capables aussi d'enregistrer les résultats des mesures. Les efforts d' Assmann furent couronnés de succès ; en r8gr , au cours d'une ascension en compagnie de Gross, il essaya pour la première fois le psychromètre à aspiration qui porte son nom. En r8g3 , il construisit le baro-thermo-hygrographe ventilé appelé météorographe, spécialement conçu pour être suspendu à la nacelle d'un ballon monté, d'un ballon captif ou d 'un ballon libre. Assmann peut être considéré comme le constructeur de la première sonde aérologique. Celle-ci fut perfectionnée plus tard par Marvin et par Bosch. Si, par ses efforts Deutsche Verein z~tr ütftschi(jahrt n'a fait fin de l' aérost ation persévérants, la Forderung der que retarder la scientifique, la Bulletin de l' OMM Janvier 1958 météorologie cependant lui est redevable d 'énormes progrès dans le domaine de l'instrumentation. Bien que les observations en ballon monté n e présentent pas certains des inconvénients des observations en mont agne, elles sont par contre très coût euses et fort dangereuses. F aut-il rappeler la catastrophe du Z énith, en 1875, où les deux compagnons de Tissandier (1843- 1899) trouvèrent la mort vers 88oo rn (?) d'altitude ? Non seulement il ét ait devenu évident qu'aux altitudes maxima atteintes l' on ét ait encore loin de la limite supérieure de l'atmosphère, mais de plus, que le caractère sporadique d es ascensions ét ait de nature à diminuer consid érablement leur intérêt scientifique. Ascensions en stratostat par l'enregistrement de la pression et de la t empérature de l' air. L'on a ainsi pu procéder à la vérification la plus complèt e faite à ce jour de l'hypothèse hydrostatique. Expériences faites avec des cerfs-volants Malgré le déclin de l' aérostation scientifi que au xxe siècle, l' idée d 'utiliser le b allon libre monté pour explorer l'atmosphère terrestre n'a pas été complèt ement abandonnée. Si le X IXe siècle fut celui des ascensions scientifiques en nacelle ouverte , le xxe siècle est celui des ascensions en nacelle ét anche dont la t echnique fut créée et mise au point par A. Piccard. Celui-ci atteignit au mois d'août 1932 l' altitude d'environ 17 k m . Mais les Américains St evens et Anderson améliorèrent ce record en s'élevant, en novembre 1935, dans leur stratost at étanche, l'Explorer II , à une altitude de 22,5 km. Ils rapportèrent de leur expédition des résultats considérables, notamment sur la composition chimique de l'air en fonction de l' altitude, sur la distribution verticale du contenu de l'air en ozone et sur la variation de l'intensité du rayonnement cosmique le long de la verticale. Les altitudes successivement atteintes par l'Explorer II furent d ét erminées par trois m éthodes différentes : par des photographies du terrain , par des mesures angulaires effectuées du sol et 35 Mais n' anticipons pas. Les insuffisances et les inconvénients du ballon libre monté forcèrent les mét éorologistes à trouver un autre procédé d'exploration de l' atmosphère libre. On songea d' abord aux cerfs-volants. Cet instrument n'ét ait pas nouveau ; d éjà en 1749, près de Glasgow, Wilson et Melville firent monter des cerfs-volants emportant des thermomètres à minima et , en 1752, à Philadelphie, Franklin (1706-1790) const at a qu 'un cerf-volant s'électrisait sous l'influence des nuages. Ces expériences fu rent répétées de très nombreuses fois, t ant en E urope qu'en Amérique. Il fallut t outefois attendre 1894 pour que l' on songeât à suspendre un appareil enregistreur à un cerf-volant . C'est au mois d 'aoüt de cette année qu'à l'Observatoire de Blue Hill, Eddy fit s'élever un baro-thermographe Richard jusqu' à l' altitude de 436 m. L 'année suivante, L. Rotch (1861-1912) perfectionna la technique des sondages par cerfs-volants, au point qu'en 1897, le Weather B ureau se décida à organiser , au x Etat s-Unis, un réseau de 17 st ations de sondage. Le procédé est sans dou te très simple et très peu coût eu x, mais il ne peut être mis en oeuvre que par vent assez fort , et de plus, il ne permet d 'explorer que les cou ches basses. Aussi, était-il indispensable de chercher autre chose. Il est cependant juste de rappeler que c'est grâce aux cerfs-volants, et aussi aux ballons captifs, que l'on a pu se faire, pour la première fois, une idée assez exacte d e la distribution du vent dans la couch e de frottement au sol. R appelons encore que Cleveland Abbe (1838- 1916), aux Bulletin de l'OMM Janvier 1958 Etats-Unis, s'est servi de cerfs-volants pour étudier la brise de mer et que c'est à l' aide de cerfs-volants lancés du pont du yacht du Prince Albert de Monaco, que H. H ergesell (r 859-1938) a pu faire, au large des îles Canaries, les premières observations sur les alizés (!904-1906). Pdcurseun des ballons-sondes Les résultats des deux ascensions de Gay-Lu ssac et de Biot eurent un retentissement considérable dans le monde scientifique du X IXe siècle. En r 8o9, la Société Royale de Copenhague mit au concours les questions suivantes : Quelles sont les contributions apport ées, à ce jour, à la météorologie par les ascensions en ballon ? Comment faut-il organiser les expériences à l' aide de ballons plus petits, non montés, en vue d'obtenir à peu de frais des renseignements sur l'électricité atmosphérique, la composition chimique de l'air en oxygène, en azote et en anhydride carbonique en fonction de l'altitude, sur la direction des courants aériens, sur la répart ition verticale de la t empérature et de toutes autres grandeurs ? On ignore si la Sociét é Royale de Copenhague reçut jamais un mémoire en réponse à ses questions, toujours est-il qu'il a fallu attendre 85 ans avant d'avoir une réponse à la seconde dont l'importance capitale pour le développement ultérieur des techniques d 'exploration de l' atmosphère n'avait pas échappé dès le début du X IXe siècle. Cependant l'aérostation débuta, tant à Annonay qu'à Paris, par le lancer de petits ballons abandonn és à eu xmêmes, des ballons perdus ainsi qu'on les appelait à la fin du XVIII e siècle et pendant tout le XIXe. Le ballon perdu lancé du Champ-de-Mars, en 1783, trois mois avant la première ascension de Charles, au jardin des Tuileries, fut suivi à la lunette par les plus célèbres astronomes du temps, qui s'étaient installés sur les principaux 36 monuments de Paris, dans le but de déterminer la projection horizontale de la trajectoire du ballon . L'honneur du premier sondage de vent revient donc aux astronomes. Mais il est étonnant qu'il ait fallu attendre à peu près un siècle, avant que l'on songeât .à utiliser systématiquement le ballon perdu, que l' on appelle ballon-pilote depuis la fin du XIXe siècle, en vue de déterminer, en grandeur et en direction, le vent en altitude. C'est d'autant plus étonnant que toute ascension en ballon libre monté était précéd ée de l' envol de ballons perdus afin de renseigner les aéronautes sur l'orientation des vents, et que, de plus, le numéro obligé de toutes les fêtes foraines du X IXe siècle était précisément le lâcher de ballonnets le plus souvent pourvus de cartes. Personne, ni Biot, ni Gay-Lussac, ni Welsh, ni Glaisher , n'eurent l'idée de tirer parti des ballons perdus pour compléter les résultats de leurs ascensions. En 1879, Brissonet et Cassé lancèrent un grand nombre de ballonnets munis d'une fiche de récupération portant un questionnaire et leur adresse. Plusieurs ont été retrouvés à de gr andes distances et ont ainsi donné quelques indications curieuses sur les courants aériens. En r 88r, Jobert et Silbermann arrivèrent à la conclusion que, pour être utiles à la science, les ballons perdus devaient être porteurs d'instruments permettant de connaître au moins approximativement les pressions att eintes et les températures rencontrées, mais c'est à Besançon et à H ermite (le neveu du célèbre mathématicien français) que revient le m érite d'avoir réussi le lancer du premier ballon libre lesté d'instruments de mesure. Après bien des t entatives infructueuses, H ermite et Besançon firent emporter, le 8 septembre 1892, par un ballon en papier pétrolé de 26 m 3 , pesant 20 g, un thermomètre à maxima et à minima, ainsi qu'un baromètre constitué d 'une capsule de Vidie, portant un stylet d'acier, se Bulletin de l'OMM Janvier 1958 déplaçant sur une lame de verre fixe , recouverte de noir de fumée. Le ballonsonde était né qui allait enfin permettre l'exploration systém atique de l' atmosphère t errestre. L'année suivante, Hermite et Besançon tirèrent p arti des enregistreurs de pression et de t empérature que Richard venait de construire. Afin de diminuer les poids inutiles, ils n 'avaient utilisé qu 'un seul cylindre sur lequel s'inscrivaient à la fois les indications de t empérature et de pression. Ce dispositif nouveau, appelé baro-thermographe, dont l'usage s'est très r apidement répandu, offrait aussi l' avantage de disp enser du soin de régler les mouvements d'horlogerie des deux enregistreurs. P our être complet , sign alons que H ermite et Besançon eurent aussi l'idée de suspendre un appareil de prise d 'air à quelquesuns de leurs ballons-sondes. Assmann, enthousiasmé par les r ésultats de H ermite et Besançon, t enta des exp ériences analogues. Après un essai infructueux, il parvint , en juillet r 8g4, à effectuer un sondage jusqu'à une altitude de 17 km à l'aide d 'un b allon en cot on caoutchouté, le Cirrus, de 25 0 m 3 . Grâce à la collaboration entre aér onautes et mét éorologistes au sein de la D eutsche V erein, des ballonssondes~e t~des-b allon s~ ont és purent prendre l' air simultanément, ce qui permit à Assmann d e contrôler in vivo le comportement des enregistreurs emportés p ar les ballons-sondes. Création d'un réseau aérologique Peu après r 88o, les m ét éorologistes comprirent la nécessité de compléter les observations au sol p ar des observations effectuées dans l'atmosphère libre. L'intérêt grandissant pour la n avigation aérienne, qui se fit jour à la même époque, ne put être que favorable au développement des t echniques de sondage . Le Comité météorologique international, réuni en r 8g4, à Upsala, reconnut l'importance, pour l' étude 37 physique de l'atmosphère, des ascensions en b allons montés et des lancers de b allons libres équipés d' enregistreurs. Deux ans plus t ard, en r 8g6, à E nregistreur p r :miti f de Besançon et Hermit e (r8gz) B - Boîte de Vidie, S - Pointe traçante , P - P laque de verre en fumée fi xée p a r une v is P aris, la Conférence des Directeurs de l'OMI entra dans les vues du Comité en créant la Commission d' aérologie, app elée alors Commission pour l'aérost ation scientifique, chargée, sous la Bulletin de l'OMM Janvier 1958 présidence de Hergesell, d'organiser l'exploration de l'atmosphère à l' aide des ballons-sondes employés pour la première foi s par H ermite et par Besançon. Les premières ascensions internationales simultanées de ballons libres et montés organisées par notre commission furent celles du 14 novembre 1896 à P aris, Strasbourg, Munich, Berlin, Varsovie et Saint-Petersbourg. Le 14 novembre 1896 fut donc la première J ournée aérolo giq~te internationale. Jusqu'à la seconde guerre mondiale, notre commission poursuivit, avec persévérance et méthode, l'organisation de campagnes internationales de sondages simultanés. A cet égard, il faut rappeler les campagnes de l'Année polaire 1932-33. La dernière fut celle des Journées internationales du mois d'avril 1939· A ses débuts, il y a soixante ans, le réseau aérologique ne comportait donc que six stations s'échelonnant de Paris à Saint-Pétersbourg. J etons un regard sur les cartes aérologiques que, de nos jours, tous les services mét éorologiques analysent quotidiennement. D'un seul coup d 'oeil nous mesurons ainsi le chemin parcouru depuis 1896 . Découverte et exploration de la stratosphère second, pour la première fois, fit usage de ballons en caoutchouc. Le ballon en caoutchouc présentait sur le ballon en papier ou en soie le gros avantage de garder une vitesse ascensionnelle pratiquement constante jusqu'au point d' éclatement, assurant ainsi une meilleure ventilation des thermomètres. L'usage du ballon en caoutchouc se généralisa d' autant plus rapidement que l'on pouvait atteindre une altitude donnée avec une enveloppe de cubage plus petit . La découverte de la stratosphère fut un puissant stimulant ; presque tous les services mét éorologiques nationaux créèrent une section d 'aérologie et les stations de sondage sortirent de t erre comme par enchant ement . L 'exploration de l'atmosphère ne se limita pas aux continents, elle s'étendit aussi aux océans. Grâce à la générosité du Prince Albert de Monaco qui mit son yacht à la disposition de H ergesell, celui-ci put organiser, de 1904 à 1906, des expéditions dans l'Atlantique, dans l'Arctique et en Méditerranée. Afin de pouvoir déterminer le point de chute de la sonde et la repêcher, Hergesell imagina le dispositif de deux ballons en t andem, le second servant de parachute après l' éclatement du premier . Il eut plusieurs imitat eurs, parmi lesquels il convient de signaler Teisserenc de Bort et R otch. Tous deux confirmèrent les résultats de H ergesell sur la stratosphère au-dessus de l'Atlantique et sur la circulation des alizés. C'est aux patients et persévérants efforts de Teisserenc de Bort, d'Assmann et de H ergesell, que l'aérologie doit de connaître le prestigieux essor que nous lui connaissons de nos jours et dont nous sommes les heureux bénéficiaires. ( Suùe et fin a1-1 prochain numéro) Mais revenons à la Commission pour l'aérostation scientifique. Sous l'enthousiaste impulsion de son éminent président, les t echniques du ballonpilote et du ballon-sonde firent des progrès si rapides et si notables que le début du xxe siècle fut marqué par l'une des plus sensationnelles découvertes qui ait été faite en météorologie : la découverte de la stratosphère par L. Teisserenc de Bort (1855- 1913) et par R. Assmann (1 845-1918) en 1902. Le premier utilisa des ballons en papier verni de 100 m 3 ; t andis que le 38 J. V AN MIEGHE M L e 4 juin I957·

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